Portait 2 Notations et raisonnement mathématiques

Les élèves ont un rapport aux mathématiques depuis l’école maternelle, et il peut leur paraître de plus en plus complexe et abstrait ; deux phénomènes sont souvent observés dans les difficultés qu’ils rencontrent.

Certains ne comprennent pas quelle utilité il y a à faire des mathématiques, ne voyant aucun lien véritable entre les calculs qu’on leur demande de faire, les résolutions de fonctions qu’on exige d’eux, et la réalité.

D’autres au contraire, sont empêchés de comprendre véritablement les mathématiques, parce qu’ils sont parasités, au cours de leur apprentissage, par les interférences de la réalité. À côté de ces deux types d’élèves qui forment le groupe des gens qui éprouvent des difficultés à faire des mathématiques, on trouve celui des élèves qui comprennent et assimilent les mathématiques de façon intuitive, comme s’il s’agissait d’évidences. Ce phénomène tend à aggraver le complexe ressenti par les premiers, qui se considèrent comme moins intelligents.

Dans tous ces cas, il semble que l’intervention du professeur de philosophie puisse trouver tout son sens, s’il invite les élèves, ainsi que le collègue de mathématiques, à s’interroger sur les problèmes de langage posés par les mathématiques.

Le langage est cette aptitude que nous avons d’élaborer des énoncés en utilisant un certain système de signes ; nous disons quelque chose, sur un objet quelconque, en utilisant des mots, des symboles, c’est-à-dire des signes dont nous connaissons les lois qui régissent leurs relations.

Dans notre usage courant de la langue, il y a ainsi une grammaire, un vocabulaire, voire une syntaxe, dont nous avons une connaissance suffisante pour dire quelque chose en le comprenant, et le destiner à quelqu’un d’autre qui, possédant les mêmes compétences que nous, le comprend.

L’usage du langage, dans le cadre des mathématiques, présente précisément plusieurs caractéristiques, dont on peut penser qu’elles sont à l’origine des difficultés des élèves. Les mathématiques ont une apparence qui les rend étrangères, à première vue du moins, à l’usage courant que nous avons du langage.

On y trouve des mots, mais les énoncés verbaux prennent moins de place que les symboles ; une page de mathématiques peut produire une impression d’étrangeté encore plus forte que celle produite par une page d’un texte en langue étrangère.

Au moins la langue étrangère laisse deviner qu’il y a bien des mots, avec des distinctions, des séparations, voire une ponctuation ; quand on dit que les mathématiques sont « du chinois », c’est que même les symboles ont une autre forme que les lettres que nous utilisons dans notre langue.

De là, il paraît intéressant de considérer plusieurs dimensions de ce langage mathématique, par rapport à l’usage habituel que nous faisons de la langue.

1 – L’usage des mots en mathématiques et dans la langue courante.

a – repérage d’expressions comme : fonction, hypothèse, sommet, droite, point, ligne, figure, inconnue, démonstration, conclusion, problème, solution, repère, nécessaire, suffisant, etc. b – comprendre un terme mathématique : se défaire de sa signification courante — « sommet », « hypothèse », « figure », etc. c – étude de la forme prise par une définition mathématique ; établir les différences par rapport à la définition d’un mot dans le dictionnaire.

2 – La question de la réalité des objets mathématiques.

a – ce qui distingue un objet matériel désigné par un mot de la langue courante, et un objet mathématique. b – le problème de la représentation mathématique ; quelle valeur accorder à une telle représentation physique, de ce qui n’a pas d’existence matérielle. c – la notion d’image en mathématiques ; doit-on la penser comme vérification, confirmation, figuration, etc., d’une équation.

3 – Le problème de la vérité en mathématiques.

a – réfléchir sur la possibilité de commettre des erreurs dans le raisonnement mathématique ; qu’est-ce qu’une erreur, si elle n’est pas simple erreur d’inattention. b – la vérité d’un énoncé de la langue courante : adéquation à une réalité observable ; la vérité logique d’un énoncé en mathématiques. c – aborder la question du statut des énoncés tels que « axiomes », « théorèmes » ; dégager les enseignements qu’on peut en tirer à propos de la vérité formelle, propre aux mathématiques et à la logique. __

Mouvement et repos

Ce qui caractérise la réflexion de la physique moderne sur les notions de mouvement et de repos, c’est que ces deux entités sont les objets mêmes de la science : il n’est pas question du mouvement de tel objet, ou du repos de tel autre.

De la même manière, le physicien moderne rend compte et décrit ces deux phénomènes avec des équations mathématiques, comme s’il était naturel que l’on traduise un mouvement avec une formule abstraite.

Il faut insister sur le fait que cette manière d’envisager ces deux phénomènes naturels est devenue parfaitement évidente pour nous aujourd’hui, quand bien même nous ne saurions pas dire à quoi les formules correspondent, ni faire le moindre calcul à partir d’elles.

Même si on n’y comprend rien, on sait aujourd’hui, parce que cela fait partie de la culture courante, que la science en général se présente sous forme mathématique et que tout peut se traduire par des équations abstraites composées de symboles, de lettres, de chiffres.

Par ailleurs, il est intéressant de s’arrêter sur l’écart qui existe entre cette appréhension scientifique du mouvement et du repos, et notre appréhension empirique, quotidienne, de ces deux phénomènes.

Nous n’observons jamais dans la réalité quotidienne, les mouvements et les repos tels qu’ils sont décrits et étudiés par la physique moderne : il n’y a pas de mouvement continu infini dans notre environnement immédiat ; un objet que je lance ne poursuit jamais indéfiniment sa course.

Pourtant, par la physique moderne, il n’est pas impossible de se représenter que, si cet objet ne rencontrait aucun obstacle freinant sa course — résistance de l’air, gravité — il pourrait très bien la poursuivre indéfiniment.

Ce décalage entre réalité courante et expression scientifique de deux phénomènes qui nous sont si familiers, doit permettre à l’élève de réfléchir à ce qu’est une démarche scientifique, et à la manière dont on l’élabore à partir, ou indépendamment, de l’expérience courante des phénomènes.

L’intervention du professeur de philosophie ne peut pas être seulement l’occasion d’enseigner les éléments de la physique d’Aristote qui sont élaborés autour des notions de mouvement et de repos.

Il faut rendre compte à la fois du caractère pertinent, d’un point de vue de la théorie scientifique, de la démarche d’Aristote ; et du caractère faux de son contenu, de ses affirmations.

Il faut donc, à l’occasion du changement radical de démarche, puis de représentation de ce que sont le mouvement et le repos en physique, comprendre de manière simple ce qui définit, d’une part, une démarche scientifique comme telle, et une vérité scientifique.

Une telle réflexion doit pouvoir donner l’occasion d’identifier le problème de l’obstacle épistémologique sous sa forme la plus simple : l’habitude d’être confronté à un phénomène naturel nous empêche de le voir en toute rigueur.

1 – Le problème de l’objet de la physique

a – l’objet de la physique n’est pas un objet de la vie courante ; la difficulté de se représenter un « objet abstrait » : le mouvement, le repos, et non plus le mouvement de tel objet, le repos de tel objet. b – l’expérience commune comme point de départ du questionnement scientifique : les phénomènes physiques comme environnement quotidien. c – la physique d’Aristote porte sur des objets concrets : la question du comportement des objets en fonction de leur « lieu naturel » ; distinction entre lois sublunaires et lois supra-lunaires.

2 – La vérité scientifique

a – même si elle est fausse, la théorie d’Aristote relève de la science : établir en quoi une théorie tire sa valeur de sa logique, de sa cohérence, plutôt que de sa pertinence. b – la théorie scientifique exige une rigueur logique qui contraint à lui donner parfois raison contre les faits ; privé de son impulsion, d’après Aristote, un corps voit son mouvement s’arrêter aussitôt. c – les soi-disant expériences de Galilée à Pise ; pourquoi il ne les a pas faites ; les faits lui auraient, en apparence, donné tort (réf. à E. Klein).

3 – Notre représentation du monde

a – prendre les problèmes du mouvement et du repos comme base d’une réflexion sur l’évolution de notre représentation du monde. b – travailler autour de l’influence du cinéma, de la SF, pour prendre conscience de nos représentations du mouvement, de l’espace, etc. c – réfléchir sur les enjeux de l’évolution du savoir scientifique.

Lien utile:

BO nº9 du 3 mars 2011

Jean-Luc Nativelle, Vice-Président de la SO.P.PHI

Publié le 12/02/2012