Vignette 1Dans son communiqué du 9 décembre 2019, la Société des Professeurs de Philosophie exprimait sa consternation à l’égard du projet de réforme du CAPES de philosophie. Cette réforme est arrivée à son terme avec le texte publié au Journal Officiel le 25 janvier 2021. Hélas, nous devons à la vérité de dire que nos craintes n’étaient pas vaines.

1- Le programme de la première épreuve écrite d’admission, la composition, n’est plus seulement le programme de notions des classes terminales. En annexe, on peut lire : « Le programme de l'épreuve est celui des classes terminales auquel s'ajoute le programme de spécialité "humanités, littérature et philosophie" du cycle terminal de la voie générale. » On adjoint donc un programme de thèmes aux programmes de notions. Que signifie cet ajout ? À quel type de sujets les candidats devront-ils s’attendre ? Pourraient-ils être interrogés sur la spécialité et donc être recrutés sans avoir eu à composer sur les programmes de philosophie de la voie générale et de la voie technologique ?

2- La seconde épreuve d’admissibilité évite cet écueil. « L'épreuve prend la forme d'une explication d'un texte philosophique emprunté à l'un des auteurs du programme des classes terminales. » Toutefois, il est précisé que le jury appréciera l’aptitude du candidat à « situer son propos dans l'exposé d'une notion ou plus largement dans une séquence pédagogique ». Cette disjonction mérite d’être précisée. Le candidat pourra-t-il s’affranchir des notions, c’est-à-dire des champs de problèmes sans lesquels il n’y a pas de philosophie digne de ce nom ? Au demeurant, l’élaboration d'une « séquence pédagogique » suppose l'expérience de l'enseignement. C'est mettre la charrue avant les boeufs que d’inviter les candidats à jouer au professeur en oubliant ainsi le droit au stage de titularisation dont l’objet est précisément d’apprendre à être professeur.

3- Et que dire de la seconde épreuve orale d’admission ? On supprime l’élaboration d’une leçon de philosophie à partir d’une question, d’une notion, d’un couple de notions, et on lui substitue une épreuve d'entretien avec le jury portant sur « la motivation du candidat et son aptitude à se projeter dans le métier de professeur au sein du service public de l'éducation » (article 8). On en reste sans voix ! Faut-il encore répéter ce que doit savoir faire tout professeur de philosophie au sein de l’institution scolaire ? Une chose essentielle : poser un problème et instruire ce problème d’une façon élémentaire afin que tous les élèves, même les plus fragiles, puissent acquérir une culture philosophique initiale. Tout le reste n’est que poudre aux yeux et faux-semblant.

4- En ce qui concerne la composition du jury, l’article 3 du texte est à l’avenant. Il précise que peuvent être recrutés « des personnes choisies en fonction de leurs compétences particulières dans la discipline ou dans le domaine d'activité professionnelle du concours », et, pour la seconde épreuve d'admission, « des personnels administratifs relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, choisis en raison de leur expérience en matière de gestion des ressources humaines ». Voilà où nous sommes parvenus. L’institution républicaine qui doit protéger l’exercice de la pensée philosophique offerte à tous les élèves, se fourvoie encore un peu plus en imitant l’idéologie du « management » qui règne dans le monde de la production et des échanges marchands. Il est vrai qu’à présent, les errements de cet acabit ne surprennent plus personne. Nos réformateurs sont tellement prévisibles ! À l’École de la République qui traite les enfants « du peuple comme des princes de l'esprit », préfèrent-ils les entreprises qui traitent leurs salariés, dorénavant nommés collaborateurs, comme des moyens de productions utiles ?

Liens :

Le Texte officiel du 25 janvier 2021

L’analyse de Guillaume Pigeard de Gurbert