Vignette 3Le texte est ici : Sujet zéro 1

La note sur le texte de Mill : le mot « souverain » est défini par « celui qui commande en premier », ce qui pose deux problèmes : 1) commander suppose une action sur autrui, or ici il s’agit de l’action de soi sur soi (sur son corps et son esprit) ; 2) pourquoi ajouter « en premier » ? Cela ne clarifie pas le mot mais égare les élèves en les incitant à se demander qui commande « en second ».

La plus grande simplicité est requise pour les éventuelles notes sur un texte.

Le texte d’accompagnement de consignes est aussi long voire plus long que le texte lui-même à expliquer : c’est inviter, et de fait contraindre, les élèves à consacrer autant voire plus de temps à lire les consignes que le texte.

Le sujet comporte en tout 9 questions qui ne pourront qu’être survolées, et ce au détriment du temps nécessaire de lecture et de relecture du texte. On ne demande jamais à l’élève de chercher un exemple qui atteste la réalité de ce dont parle le texte et le bien-fondé de ce qu’il en dit. Remédier à l’effet d’abstraction d’un texte est, singulièrement en série technologique, un impératif et une priorité pédagogiques.

Cette nouvelle épreuve représente une perte et un recul par rapport à celle du précédent programme. Non seulement elle n’apporte aucun gain de clarté mais elle rend cette épreuve opaque.

L’option 2 « suivre le développement de son choix », à savoir « rédiger librement une explication de texte » aligne purement et simplement cette épreuve sur celle des séries générales qui bénéficient d’un horaire deux fois plus lourd (4h et non 2h par semaine), ce qui constitue un recul par rapport aux modalités précédentes et une non prise en compte des besoins de la série technologique.

En conséquence, en série technologique, le professeur est donc censé enseigner dans l’année 3 méthodes pour l’écrit du baccalauréat : la méthode de la dissertation, et ces deux méthodes, celle de l’option 1 avec ses questions et celle de l’option 2 qui correspond à l’épreuve du texte de la voie générale. En série générale, il n’y a que 2 méthodes à enseigner. Est-ce bien raisonnable avec un horaire deux fois moindre en série technologique ?

Analyse

L’ordre des questions relève de l’arbitraire : au lieu de cibler d’abord l’essentiel de façon à guider la lecture de l’élève sur ce qui est central, la première question porte sur un point secondaire de l’argumentation du texte, en l’occurrence sur les deux modalités de la contrainte (physique et morale), dont on demande à l’élève d’expliquer la différence. Mais cette question dépend elle-même de la raison de ces deux modalités de contrainte, à savoir une raison négative : ne pas nuire. Or cette raison rend la contrainte, qu’elle soit physique ou morale, légitime. La différence que pointe la première question contribue à occulter l’essentiel, la dépendance de cette différence à une seule et même raison. Bref on compromet la bonne intelligence que l’élève aurait pu avoir tout seul du texte en lui demandant de scruter d’abord une différence de modalité qui dépend d’une identité essentielle.

La deuxième question confirme et aggrave l’arbitraire de l’ordre des questions qui s’ingénie à contourner l’essentiel pour pointer un contenu dont l’intelligibilité dépend d’un argument essentiel qui ne fera l’objet que de la dernière question (n°4) ! On empêche de comprendre l’argumentation élémentaire du texte en en inversant l’ordre logique. Il faut avoir d’abord compris la raison légitime de contraindre autrui (ne pas nuire) pour comprendre pourquoi les autres motifs sont illégitimes (faire son bonheur malgré lui).

On peut aussi s’étonner de ce que l’attention du candidat n’est pas appelée sur le terme « légitime » qui appartient à la liste des repères, censés, aux termes du programme « (soutenir) la réflexion que l’élève construit pour traiter un problème ».

Synthèse

Dès lors, la compréhension du second groupe de questions (dit « éléments de synthèse ») est compromise par ces premiers « Eléments d’analyse » qui n’ont pas permis d’orienter l’élève vers le problème du texte qu’on lui demande à présent de formuler. Le plus probable est qu’il dira, dans le meilleur des cas, que le problème est de savoir si on peut faire le bonheur d’autrui malgré lui. Le problème que pose l’auteur (De quel droit la société peut-elle exercer une contrainte sur un individu ?), lui, sera difficile voire impossible à trouver, à cause des questions qui étaient censées l’y conduire.

La question 2 est si générale qu’elle présente peu d’intérêt pédagogique. Notons en outre le hiatus logique entre la question 1 sur la question (en italiques dans le sujet) du texte, et la question 2 qui saute de la question à « cette réponse » alors qu’en toute rigueur, logique et grammaticale, elle devrait porter sur « la réponse à cette question ». Ce hiatus logique est absent du sujet 0 2, ce qui confirme qu’il s’agit d’une erreur inopportune. Les deux phrases de la question 2 ne sont pas seulement redondantes : la première est superflue et obscurcit la seconde : si une argumentation comprend effectivement différents moments qui s’articulent entre eux et que l’on peut identifier, une « réponse » est-elle « organisée » ?

Mais, surtout, comment demander ici au candidat de produire « l’organisation » du texte (dont on voit mal en quoi elle serait un moment « synthétique ») que les questions du titre A se sont employées à désorganiser ?

La question trois introduit, après la « question » et la « réponse », « l’idée principale » : l’élève pensera fort logiquement qu’elle n’est ni la question ni la réponse. Ce vocabulaire, il faut le noter, s’inscrit en faux par rapport à la lettre et à l’esprit du programme qui parle explicitement de « problème », qu’il distingue d’une simple « question ». Le programme dispose en effet que dans un texte il s’agit d’étudier « la manière singulière dont un auteur formule un problème et en examine les différents aspects. » Dans ces sujets, la notion clé de problème, familière aux élèves à la fin de l’année, est absente. Le programme ajoute que les exercices, et a fortiori les sujets d’examen, doivent permettre aux élèves de mettre à profit « les problèmes, les concepts et les exemples étudiés en cours. »

Commentaire

Là encore le vocabulaire est étranger à celui du programme qui parle, pour la voie technologique, exclusivement d’explication de texte, et jamais de commentaire.

L’explication consiste à dire explicitement ce que le texte dit implicitement alors que le commentaire ouvre sur la glose et invite à parler d’autre chose que de ce dont parle le texte. Le programme est clair à cet égard : « en se rendant attentif à la lettre de ce passage, l’élève explicite le problème posé.»

Et de fait la question 1 relève du commentaire, non de l’explication : elle exige de l’élève qu’il fasse usage de son imagination ou de sa culture pour y répondre car le texte lui-même ne permet pas d’y répondre pour la bonne raison qu’il n’en parle pas. Comme aucune question n’a porté sur la fin du texte qui parle de « l’indépendance » de l’individu, ici l’élève est laissé seul face au texte. En outre, en faisant appel à « l’argument » du texte, elle présuppose qu’ait été dégagé un argument unique, ce qui contredit la recherche demandée en B 2 des « différents moments de l’argumentation».

La question 2 du Commentaire du sujet 0 2 reproduit le même travers en introduisant la notion, absente du texte, de « république ».