L’académie de PlatonLa note de service n° 2017-101 du 4-7-2017, publiée au Bulletin officiel n°26 du 20 juillet 2017, indique, dès son premier paragraphe : « Des instructions spécifiques sont introduites pour les modalités de l'épreuve de la nouvelle série STHR.» Elle introduit ainsi une profonde réforme de l’épreuve de philosophie du baccalauréat dans la série des sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration. Lors de l’audience du 27 septembre 2017 auprès du groupe de philosophie de l’Inspection Générale, la SO.P.PHI a indiqué pourquoi, à ses yeux, cette réforme soulève de sérieuses difficultés. D’abord, trois exercices dans cette série, cela fera trois méthodes à enseigner alors que le volume horaire dans les classes concernées est précisément le plus faible ! Ensuite, la faisabilité des sujets 2 et 3 avec leur dispositif spécifique lui semble problématique lorsque l’on sait le travail que représente la « fabrication » des sujets d’examen que nous connaissons déjà. Enfin, comment guider la rédaction des élèves sans guider leur réflexion ? C’est ici le lien avec la nature même du programme (permettre l’accès de chaque élève à l’exercice réfléchi du jugement) qui est incompréhensible. Pour la SOP.PHI, la condition d’un authentique enseignement de la philosophie notamment dans la voie technologique est l’élémentaire qui n’est pas le rudimentaire, et qui doit orienter le travail du maître dans sa classe et des professeurs qui, en commission, élaborent les sujets d’examen. À ce jour, les sujets 0 ont été publiés. La SO.P.PHI propose une analyse de ces sujets qui confirme le bien-fondé des craintes que la circulaire du 20 juillet a suscitées.

Sujet 0 (1) ; Sujet 0 (2) ; Sujet 0 (3)

SYNTHÈSE DE L'ANALYSE DES SUJETS 0

Ces sujets à rallonge surchargent le candidat le jour de l’épreuve de tout ce dont l’enseignement se serait déchargé dans l’année. Il serait beaucoup plus efficace de s’entendre sur les contenus et les attentes élémentaires de l’enseignement philosophique en terminale plutôt que de confronter les élèves à ces sujets qui ne sont ni de vrais sujets ni de vrais cours. Quel est l’élémentaire qui est commun à tout enseignement philosophique ? Telle est la bonne question, qui est à la charge des professeurs durant l’année.

La taille des sujets est trop longue. On peut s‘attendre à une majorité de copies inachevées faute de temps ou complètes mais bâclées. Le passage de deux types d'épreuves à 3, dont une seule semblant accompagner d'aucune apparence d'aide (la dissertation) alors qu'elle constitue de loin ici le sujet le plus facile à traiter (et même, en un sens, le seul traitable des trois proposés), aura pour effet mécanique (comme en lettres) que très peu d'élèves la choisiront. Cela ressemble donc à un moyen détourné de mettre à court terme en marche la mort programmée de la dissertation philosophique.

L’intitulé « Composition » peut prêter à confusion. Les élèves ont déjà rencontré cet intitulé dans leur parcours antérieur. Toutefois, la « composition » d’histoire ou de géographie, pratiquée par certains élèves de STMG en Seconde générale, est en réalité une dissertation. Ici, ce qui se présente à faire comme une « composition » n’est pas une dissertation, mais une suite de réponses à diverses questions. Qu’appelle-t-on alors « composition » ? Et que s’agit-il de composer, littéralement de poser ensemble ? S’agit-il d’ailleurs vraiment de « composer » ou, comme semble le suggérer la suite des questions, de poser les unes à la suite des autres différentes réponses ? (1) En effet, les sous-questions ne sont pas déduites de l’intitulé de départ mais en sortent plutôt par associations d’idées plus ou moins libres, voire arbitraires. Certaines relèvent purement du contresens. Ensemble elles conspirent à complexifier le sujet, à le démanteler, voire à l’opacifier, et finalement à dérouter le candidat . Ces sous-questions censément préparatoires se substituent au traitement du sujet lui-même, si bien que le candidat ne sait plus s’il doit traiter Le sujet.

On attend du candidat un catalogue de réponses. Et on fait dépendre la valeur des réponses de leurs conséquences, selon une conception pragmatique à tout le moins discutable. Une idée se mesure à ses effets, tel est le parti pris. Un élève qui interrogerait l’origine d’une idée, sa cause ou son principe serait de fait en-dehors des questions alors qu’il traiterait ainsi le sujet de façon philosophique. Depuis quand énumérer des réponses au petit bonheur la chance est-il une activité philosophique ? Le champ des réponses est limité et contraignant, celui des problèmes est ouvert et libre.

Une ancienne élève de STG témoigne : « Dans un premier temps, je serais surprise par les différentes pistes qui sont données. Je me dirais que cela peut m'aider dans ma démarche de réflexion. Mais en lisant ces indications, je trouve que c'est trop cadré et que cela ne laisse pas assez de liberté par rapport au sujet. Même si on précise que l'on doit tenir compte de ces éléments et de nos connaissances, j'aurais l'impression qu'on veut guider les étudiants vers un unique point de vue. »

Concernant la modification de l'explication de texte, elle prétend se libérer du « formalisme » du « guidage » existant. En vérité, elle rend impossible la saisie de l'unité du texte et brise le mouvement « naturel » du travail que nous faisons et que nous demandons aux élèves de faire. Il faut bien, pour expliquer un texte philosophiquement, un moment synthétique qui en dégage l’essentiel, un moment analytique qui le « déplie », et, enfin, un moment problématique/critique qui propose un libre examen de la thèse qu’il établit. Or cela disparaît complètement des « modèles » proposés. Si nos meilleurs élèves arrivent à unifier ces trois moments, pourquoi ne pas permettre aux plus fragiles de les distinguer, dans la perspective, précisément, de guider la rédaction, et non de gouverner la réflexion ?

En résumé, n’attendre d’une épreuve de philosophie que la maîtrise des réponses au lieu de la position de problèmes, ce serait troquer la pensée critique pour une récitation docile. Si l’enseignement philosophique appartient si essentiellement à l’école de la République, c’est que la première des libertés, celle de penser, constitue son principe et sa fin. Poser un problème c’est, pour la pensée, se réaliser dans et par cette aventure qui se nomme « liberté. » Le programme des séries technologiques situe d’emblée l’objet de l’enseignement philosophique dans « l’intelligence et le traitement des problèmes que les notions permettent de poser. » Il n’y est nulle part question de « réponses », mais partout de « problèmes » à examiner et à poser.

(1) La correction d’une telle épreuve placera chaque correcteur devant le dilemme d’avoir à sanctionner un contenu qui traite le sujet mais qui ne répond pas aux questions ou de valider des réponses aux questions qui sont hors sujet, voire hors programme. L'énumération et la multiplication des questions censées aider le travail de la "composition" auront comme effet mécanique de gonfler artificiellement les notes : car on hésitera à mettre zéro même au moindre effort de réponse au coup par coup, surtout si soi-même on n'est pas convaincu de pouvoir vraiment y répondre !

SO.P.PHI Octobre 2017

L'analyse complète des sujets O se trouve ici : La position de la SO.P.PHI