Portrait« Les notions, lit-on dans les programmes de philosophie des classes terminales, définissent des champs de problèmes abordés dans l’enseignement. » (I,2) Ce point nous renseigne sur la nature même du métier de professeur de philosophie dans les lycées français. Ce professeur est confronté à deux exigences en tension : d’une part, le caractère réticulaire du programme qui conduit à examiner des champs de problèmes, et, d’autre part, la nécessité d’une analyse suffisamment substantielle de chaque notion. Où l’on rencontre l’exigence d’élémentarité ! En effet, « l’enseignement de la philosophie en classes terminales présente un caractère élémentaire » (ibid., I,1) que l’on retrouve évidemment dans les sujets du baccalauréat qui peuvent « recouper divers champs, pourvu qu’ils présentent un caractère élémentaire et qu’au moins une des notions du programme soit clairement identifiable par l’élève dans leur formulation » (ibid., II.1.2). Une question, ici : quelle est la réalité de l’élémentarité ?

L’élémentarité n’est pas une réalité substantielle. Elle n’est pas une chose en soi qu’il faudrait connaître pour pouvoir enseigner. Elle procède d’une méthode. Elle est le fruit d’un exercice réfléchi du jugement. Sa réalité est pédagogique. Le professeur de philosophie ne cherche pas un élémentaire qui serait hors de lui. Il sait que pour être entendue, sa leçon doit être à la portée de ses élèves. Toutefois, il ne considère pas les lycéens comme des êtres limités seulement capables d’une pensée rudimentaire et qui devraient, pour cette raison, se contenter d’une ébauche de réflexion, de bribes d’analyses, c’est-à-dire au mieux d’une philosophie seulement à l’état de fermentation. À ses yeux, les élèves sont au contraire des êtres perfectibles et donc susceptibles de s’engager dans un exercice effectif de la pensée philosophique. Et il garde à l’esprit que ce travail est une initiation. Aussi, il ne se demande pas ce qu’il peut dire lorsqu’il examine une notion. Il ne cherche pas à « poser dans l’espace d’une année scolaire tous les problèmes philosophiques que l’on peut légitimement poser » (ibid.,I,1). Lorsqu’il élabore une leçon, il se demande d’abord : « qu’est-ce que je ne peux pas ne pas dire en examinant cette notion ? » Car c’est ainsi qu’il pourra faire surgir l’élémentaire. Certes, il s’impose une tâche qui n’est pas aisée. Il est parfois difficile de faire simple ! Cependant, c’est cette simplicité qui facilite le travail de tous les élèves. C’est elle qui rend possible une véritable initiation à la philosophie. Et c’est par elle que l’enseignement de la philosophie revêt un caractère authentiquement républicain.

Un enseignement élémentaire de la philosophie s'adresse à tous. Il participe à l’institution d’une égalité véritable. Autrement dit, il écarte résolument les complicités culturelles dont pâtissent les plus démunis. Il faut dire que l’élémentarité cultive la liberté. Lorsque les problèmes élémentaires sont instruits, chaque élève a en main les éléments qu’il peut « recombiner » comme il le veut. Cela signifie qu’il ne sera pas contraint de répéter un cours au moment de l’évaluation. Pour cette raison, l’élémentaire dans les programmes de philosophie est le contraire d'une détermination qui emprisonnerait les esprits ! À tous ceux qui, à l’instar de l’ACIREPH, proposent de déterminer les programmes de philosophie des classes terminales au détriment de la liberté, la SO.P.PHI oppose donc la réalité pédagogique de l’élémentarité parce que philosopher, dans l’École de la République, c’est travailler à « substituer enfin l’ambition d’éclairer les hommes à celle de les dominer » (Condorcet, Rapport sur l’instruction publique, II).