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Le vendredi 5 octobre 2018, la SO.P.PHI a été entendue au ministère de l’éducation nationale par le Conseil Supérieur des Programmes. Son président, Jean-Marie FREY, et son vice-président François MORICEAU ont pris connaissance du calendrier de la réforme présenté par Madame Souâd AYADA, présidente du CSP, et de l’état du projet de programme pour la spécialité « Humanités, littérature et philosophie » élaboré par le groupe d’experts. Il ont rappelé la position de la Société des Professeurs de Philosophie et leurs propositions à l’égard de ce programme. «Main dans la main», comme à leur habitude dorénavant, l’APPEP et l’ACIREPH ont refusé de participer à cette audience.

Si la SO.P.PHI a d’abord soutenu le Rapport de la commission Mathiot publié en janvier 2018, c’est parce que ce Rapport reconnaissait à la philosophie un statut particulier « comme discipline élémentaire à partir de la terminale ». Si elle a ensuite apporté son soutien à la Note du Conseil Supérieur des Programmes publiée en mai 2018, c’est parce que cette Note envisageait l’introduction, en première, d’une spécialité « Humanités, littérature et philosophie » comme un enseignement nouveau et parfaitement distinct de notre discipline telle qu’elle sera enseignée en terminale. Aussi, elle est aujourd’hui en phase avec les principes qui ont présidé à l’élaboration du projet de programme qui lui a été présenté par Monsieur Denis KAMBOUCHNER et Monsieur Pierre GUENANCIA.

1- Il s’agit d’un programme « d’humanités » et non de philosophie puisqu’il est composé d’objets de réflexion permettant un enseignement qui soit à la fois littéraire et philosophique.

2- Ces objets de réflexion sont propres à susciter la curiosité des élèves qui devront faire le choix de cette spécialité dès la classe de seconde.

3- Ce programme présente un rapport à l’histoire en distinguant quatre grandes périodes. Ainsi, il se distingue sans aucune ambiguïté du programme de notions qui sera celui du tronc commun.

4- Toutefois, il ne s’agit pas pour autant d’un programme d’histoire des idées puisque les professeurs devront articuler systématiquement les thèmes à des textes significatifs.

5- Dans le même temps, les professeurs disposeront d’une grande liberté dans le choix de ces textes. Il n’y aura pas d’ouvrages imposés. Seulement une bibliographie indicative, à la fois littéraire et philosophique, pour chaque thème du programme.

La SO.P.PHI remercie vivement le groupe des collègues qui ont travaillé à l’élaboration de ce projet. Elle considère que ce projet justifie pleinement la place du professeur de philosophie dans la spécialité « Humanités, littérature et philosophie ». Et elle y retrouve un point central de ses propositions : le programme de la spécialité ne sera pas de même nature que les programmes de philosophie des classes terminales de la voie générale et de la voie technologique. À l’évidence, les associations qui ont décliné l’invitation du CSP ne veulent pas de cette distinction qui est pourtant essentielle pour l’avenir de l’enseignement de la philosophie dans l’École de la République. En effet, il fallait impérativement que soit entérinée une différence qualitative entre l’enseignement de la philosophie proprement dit, et l’enseignement de la spécialité « Humanités, littérature et philosophie ». Le premier sera commun à tous les élèves de la voie générale et de la voie technologique. Il relèvera de la découverte d'une nouvelle discipline de l'esprit, élémentaire et encore inédite pour les lycéens. En revanche, la spécialité « Humanités, littérature et philosophie » participera de la culture générale. Il s’agira, dès la classe de première, de sensibiliser les élèves qui opteront pour cette spécialité au fait que la grande création littéraire et artistique exprime et explore nécessairement les mêmes dimensions et les mêmes questions élémentaires et fondamentales que celles que l'on retrouvera, au moins en partie, une année plus tard, dans l'enseignement de la philosophie, mais cette fois sous la forme de notions, de champs de problème, là où les lettres (et les arts) nous les font rencontrer sous la forme d’œuvres (et de figures artistiques ou littéraires).

La SO.P.PHI propose que cette distinction soit explicite dans le préambule du programme de la spécialité. La présence de professeurs de philosophie, en première, au sein de cet enseignement des humanités ne consistera pas à commencer à enseigner la philosophie (ne serait-ce que sous la forme d'une « initiation » ou moins encore d'une « introduction »), mais à favoriser chez les élèves la prise de conscience de l’unité profonde des questions que l'homme s'adresse à lui-même et au monde, de manière à la fois singulière et universelle, et ainsi à mieux saisir en quoi leurs expressions artistiques et littéraires participent en chacune et en chacun à la culture de sa propre humanité (comprenant ainsi le sens même de la dénomination de ces expressions comme étant celle, précisément, des humanités). À proprement parler, il n'y aura qu'un seul enseignement de la philosophie : l’enseignement de la philosophie comme discipline élémentaire en terminale. Il faut bien alors distinguer un programme de thèmes pour l’enseignement des humanités littéraires et philosophiques, enseignement auquel doit participer le professeur de philosophie, et le programme de notions élémentaires comportant une liste d'auteurs pour l'enseignement de la philosophie en terminale.

En ce qui concerne l’évaluation des élèves, la SO.P.PHI est favorable à la proposition du groupe d’experts : un texte accompagné de deux questions, une à tournure littéraire, et une à tournure philosophique, appelant un traitement sous la forme d’un court essai. L’épreuve devra être corrigée à la fois par un professeur de lettres et un professeur de philosophie. Nous proposons que l’épreuve en fin de première soit, pour les « renonçants » qui ne garderont pas la spécialité « Humanités » en terminale, exactement de même nature. Il convient en effet, de suivre la voie la plus simple pour cet enseignement qui sera nouveau dans l’institution scolaire.

Évidemment, la SO.P.PHI appellera les professeurs à soutenir ce projet de programme lors de la consultation en ligne qui se déroulera du au 5 au 20 novembre.

En conclusion, la Société des Professeurs de Philosophie approuve la proposition de programme de la spécialité « Humanités ». Mais elle exprime à nouveau sa désapprobation à l’égard de « l’oubli », par la réforme du baccalauréat, d’une spécialité articulant la philosophie aux sciences. Au reste, elle considère que cette spécialité qui a été retenue doit être garantie dans tous les lycées dans lesquels existent, à l'heure actuelle, des classes de la série Littéraire. Il convient, en effet, de ne pas « se laisser porter » par une demande variable et, au fond, assez aléatoire des élèves de seconde en novembre, c’est-à-dire au moment où s'opère l'élaboration de la demande de dotation horaire pour l'année scolaire suivante.

Le calendrier de la réforme :

Du 11 octobre au 5 novembre, séances de discussions et amendements des projets de programmes ; parallèlement, du 15 octobre au 5 novembre, publication officielle des projets ; du 5 novembre au 20 novembre, concertation menée par la DEGESCO et consultation en ligne des professeurs ; avant Noël, fin du processus ; fin janvier, si le calendrier est bien tenu, publication des programmes.

Les thèmes présentés lors de l'audition :

Première

1. Pouvoirs de la parole (Antiquité)
L'art de la parole
L'autorité de la parole
Les séductions de la parole

2. Représentations du monde (De la Renaissance aux Lumières)
Découverte du monde et rencontre des cultures
Décrire, figurer, imaginer
Relations homme-animal

Terminale

1. La recherche de soi (des Lumières à 1945)
Éducation, transmission, émancipation
Expressions de la subjectivité
Métamorphoses du moi

2. Expériences contemporaines, rapport entre modernité et contemporain (à partir de 1945)
Création, continuité et rupture
Individu et communication
L'humain et l'inhumain