Platon_Aristote.jpgDepuis sa création en 2008, la SO.P.PHI a toujours considéré que la crise de la voie littéraire au lycée est profonde et que tout changement qui tendrait à réduire la présence des professeurs de philosophie aux seules classes littéraires ne saurait corriger les problèmes d’orientation que nous constatons dans nos établissements. Nous le savons : les derniers latinistes et hellénistes, pour ne citer qu’eux, ont depuis longtemps choisi de s’orienter vers une terminale scientifique. Aussi, la SO.P.PHI pense qu’une réforme est souhaitable, et qu’il ne faut pas reculer devant une mise en cause des séries elle-mêmes. Elle est attachée à l’égale dignité des baccalauréats et des lycées, et elle considère que la philosophie est appelée à jouer le rôle de garant de l’égalité républicaine par sa présence dans toutes les séries, validée par un examen final écrit. À ses yeux, la philosophie assure la cohésion et l’unité du baccalauréat par la nature même de son objet qui est ouvert et recouvre toutes les disciplines.

1- Place et fonction de la philosophie : charnière entre le secondaire et le supérieur

La philosophie occupe une place particulière dans l’enseignement secondaire puisqu’elle intervient en terminale et vient le « couronner » par une épreuve de baccalauréat. À ce titre elle constitue une véritable charnière entre le secondaire et le supérieur, ce que confirme sa présence dans toutes les CPGE, où elle est tout sauf un ornement : à l’École Centrale par exemple, lorsque deux candidats sont ex aequo au terme des épreuves orales, c’est la note de l’épreuve écrite de philosophie qui les départage. La philosophie est aussi très présente dans les grande Écoles de commerce, HEC en tête, comme à Sciences Po ou dans les IEP. Les questions de bioéthiques l’ont rendu incontournable dans les études de médecine. Enfin, une réforme (arrêté du 30 avril 2010) l’a introduite dans les DUT. Par sa nature même, la philosophie assume donc la fonction de tremplin vers le supérieur, et nous sommes favorables à son extension, voire sa généralisation dans l’enseignement supérieur.

2- Le programme et les épreuves du baccalauréat

Ce qui est central, aux yeux de la SO.P.PHI, c’est l’élémentarité de l’enseignement de la philosophie au lycée. En effet, « l’enseignement de la philosophie en classes terminales présente un caractère élémentaire, lit-on dans les programmes de philosophie des classes terminales » (I,1). Un enseignement élémentaire de la philosophie s'adresse à tous. Il participe à l’institution d’une égalité véritable. Autrement dit, il écarte résolument les complicités culturelles dont pâtissent les plus démunis. Il constitue donc une occasion d’un nouveau départ pour nombre d’élèves ailleurs en difficultés. Par sa nature élémentaire, l’enseignement philosophique réalise en terminale les conditions réelles d’une égalité scolaire. En philosophie, les bases s’acquièrent en terminale. Ce caractère élémentaire de la philosophie au lycée doit se retrouver évidemment dans les sujets du baccalauréat (voir les programmes de philosophie des classes terminales., II.1.2).

Il faut dire que l’élémentarité est une exigence républicaine parce qu’elle cultive à la fois l’égalité et la liberté. Lorsque les problèmes élémentaires sont instruits, chaque élève a en main les éléments qu’il peut « recombiner » comme il le veut. Cela signifie qu’il ne sera pas contraint de répéter un cours au moment de l’évaluation. Pour cette raison, l’élémentaire dans les programmes de philosophie est le contraire d’une détermination qui emprisonnerait les esprits ! À tous ceux qui proposent de déterminer les programmes de philosophie des classes terminales au détriment de la liberté, la SO.P.PHI oppose donc la réalité pédagogique de l’élémentarité parce que philosopher, dans l’École de la République, c’est travailler à « substituer enfin l’ambition d’éclairer les hommes à celle de les dominer » (Condorcet, Rapport sur l’instruction publique, II).

3- Introduction, préparation et approfondissement

L’élémentarité d’un authentique programme de philosophie dans les lycées de la République implique une distinction essentielle, quant à son enseignement, entre une introduction, une préparation et un approfondissement :

– Le cours de philosophie par son élémentarité est une introduction à la philosophie qui s’adresse à tous sans distinction de séries. C’est la raison pour laquelle un même programme et une épreuve commune à tous élèves sont non seulement possibles, mais surtout nécessaires, sans qu’il soit utile de proposer un oral, coûteux et difficile à organiser, pour les seuls élèves engagés dans la voie technologique . En réalité, c’est l’enseignement dans cette voie qui doit être le modèle de tout enseignement de la philosophie au lycée, puisque l’élémentarité y est une exigence absolue.

Une unique commission d’élaboration des sujets serait donc suffisante au lieu de quatre actuellement. Et c’est seulement le coefficient qui changerait en fonction de la spécialité choisie par l’élève. Qu’une même épreuve, avec le même sujet, puisse être affectée d’un coefficient différent selon la spécialité du candidat, cela ne devrait pas soulever des difficultés insurmontables. On pensera à la situation des élèves qui présentent les concours des Grandes Écoles de Management. Qu’ils soient en ECE (économie), en ECS (science) ou en ECT (technologie), ces élèves se préparent à traiter le même sujet de dissertation sur la base d’un même programme, avec les mêmes horaires, et c’est seulement le coefficient qui varie, en fonction de leur CPGE, dans le calcul de leur moyenne.

Cette introduction à la philosophie requiert un temps. Quatre heures hebdomadaires sur une année nous semblent la durée nécessaire à l’accomplissement de cette tâche.

– La SO.P.PHI a toujours été opposée à une initiation à la philosophie en classe de première. Que signifierait une telle initiation, puisque notre enseignement en terminale possède déjà un caractère élémentaire ? Le cœur de notre position réside en ce point : le programme de philosophie dans le lycée français est constitué de notions, c’est-à-dire de champs de problèmes posés et instruits de façon élémentaire, et, pour cette raison, toute idée de « progressivité » sur plusieurs années exprime une méconnaissance profonde de l’essence même de notre métier.

En revanche, nous sommes favorables à une préparation des élèves en classe de seconde et de première au travail philosophique qu’ils auront à effectuer en classe terminale. Cette préparation est déjà autorisée par les textes. Ainsi, la SO.P.PHI a soutenu la circulaire de 2011 qui organise une présence de la philosophie avant la classe terminale (circulaire n° 2011-023 du 21-2-2011). En effet, elle a toujours considéré que ce texte ne dénature en rien notre métier puisqu’il rend possible une préparation (qui constitue comme une information) et non une introduction (ou initiation) à la philosophie qui est le travail effectué en classes terminales. Une telle préparation à l'enseignement de la philosophie en classes terminales consiste à montrer, par la mise en évidence d'une dimension problématique élémentaire inhérente à toutes les questions que les élèves rencontrent dans l'étude des programmes de chaque discipline (par exemple, l'atome en physique, l’humanisme et la renaissance en arts et en lettres, la démocratie antique ou le droit aux siècles des lumières, etc.), le caractère unitaire de l'esprit et de l'action humaine, et par là, de la culture vraiment générale qui permet de l'éclairer. Aussi, si la présence du philosophe dans l'EMC peut être envisagée, puisque la philosophie ne saurait évidemment négliger les dimensions morales et civiques de l'homme, c’est seulement dans ce cadre.

En tous les cas, à nos yeux, il convient de ne pas disperser les moyens attribués à l’enseignement de la philosophie au détriment des quatre heures qui sont nécessaires à la constitution d’un socle élémentaire en terminale apportant à tous les élèves, et quelle que soit leur série, un véritable point d’appui pour la poursuite de leur formation dans le supérieur.

– À l’introduction à la philosophie, il serait souhaitable d’ajouter un travail d’approfondissement offert aux élèves qui le souhaitent, par goût ou en vertu de leur choix d’orientation. Un tel approfondissement serait envisageable dans le cadre d’un horaire hebdomadaire et annuel de trois heures, et sur la base d’un programme de notions en liaison directe avec le programme commun d’introduction (ou d’initiation). Par exemple, si la notion d’art est au programme de toutes les classes, les élèves qui ajouteraient l’approfondissement à l’introduction commune à tous auraient un programme prévoyant : « en liaison avec l’art, la beauté ». L’épreuve du baccalauréat de ces candidats serait affectée d’un coefficient plus élevé.

Conclusion

La philosophie bénéficie d’une reconnaissance dans l’espace social qui lui permet de contribuer à revaloriser le baccalauréat. On le voit particulièrement dans les séries technologiques qui doivent leur titre de baccalauréat tout court à l’enseignement de la philosophie qu’elles ont en commun avec les séries générales.

Nous sommes donc favorables à l’inscription de la philosophie dans le cadre de la préparation à un baccalauréat unique sur la base suivante : que le programme reste un programme élémentaire de notions commun à toutes les séries ; que l’épreuve d’examen écrite soit commune à tous ; que tous les élèves bénéficient d’un volant horaire suffisant – quatre heures hebdomadaires sur une année scolaire ; qu’un éventuel enseignement en amont de la classe terminale soit envisagé seulement comme une préparation à l’introduction qui suivra en classe terminale ; qu’une spécialité « d’approfondissement » proposant trois heures par semaine sur une année scolaire soit offerte aux élèves qui le souhaiteraient.