Platon_Aristote.jpgAprès la publication du Rapport Mathiot et du projet du Ministre Blanquer, et au moment où la réforme du baccalauréat s’engage sur le terrain des programmes, une chose est frappante : ceux qui parlent au nom de plusieurs associations et syndicats semblent moins préoccupés par ces programmes que par la disparition de la série littéraire et l’apparition de la spécialité « Humanités, littérature et philosophie ». En réalité, ce qui s’annonce pour la philosophie au lycée résulte du fait que la réforme abolit les séries au profit de « troncs communs » auxquels s’ajoutent des spécialités, et que la philosophie, par sa nature de discipline élémentaire enseignée sur une seule année, n’entre pas facilement dans ce cadre. L’inquiétude légitime des professeurs de philosophie ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel.

D’abord, il faut rappeler que la Société des Professeurs de Philosophie, contrairement aux deux autres associations, n’a pas demandé que soit introduit un enseignement de spécialité qui commence en première. Sa position consistait à réclamer trois heures d’approfondissement offertes en terminale. Ensuite, il faut avoir à l’esprit qu’elle a concentré son action sur un point : le refus du projet ministériel initial qui, en envisageant un enseignement « du tronc commun » dès la première, ouvrait la voie à une progressivité et une détermination des programmes. Parce qu’elle a été entendue, l’enseignement de la philosophie au lycée restera élémentaire sur une année, et il sera sanctionné par un examen national. Elle a ainsi mis en échec tous ceux qui souhaitaient remplacer la série littéraire par un enseignement déterminé sur deux années ! Ce qui se dessine dès lors, c’est la présence pour longtemps d’un authentique enseignement de la philosophie dans les lycées de la République.

Il n’est pas surprenant qu’une association qui souhaite introduire la philosophie dès la première, et en délimiter les programmes, soit prompte à lancer une campagne en faveur du maintien des huit heures de la série littéraire. La SO.P.PHI est cohérente. À ses yeux, il n’est plus temps de défendre une série vers laquelle beaucoup de professeurs eux-mêmes ne souhaitaient plus, depuis longtemps, voir leurs propres enfants s’orienter. Ce qui est à l’ordre du jour est ailleurs : les programmes et les épreuves de philosophie au lycée. Et la question de la spécialité ne la fera pas obliquer à ce moment décisif de la réforme.

Si cette spécialité, comme le veut le ministère, exige la présence d’un professeur de littérature et d’un professeur de philosophie sur un même programme, alors la philosophie ne sera enseignée que dans le temps des quatre heures communes à tous les élèves de la voie générale et des deux heures (dont une que nous voulons voir dédoublée) de la voie technologique. C’est en effet seulement dans ce cadre que s’appliqueront les programmes de notions pour lesquels la SO.P.PHI s’engage avec force.

Au reste, si une spécialité intitulée « Humanités, littérature et philosophie » voit le jour, le professeur de philosophie aura vocation à intervenir en dehors du cours de philosophie, dans un enseignement d’Humanités. En d’autres termes, cet enseignement ne sera pas celui du « tronc commun ». Il consistera à porter avec ses élèves un regard philosophique sur des objets communs à la philosophie et aux lettres (classiques et modernes). Dans un tel cadre, le programme sera nécessairement un programme de thèmes constitué de tels objets (« Exprimer la passion amoureuse », « La mort », « La révolte », etc.) et d’auteurs qui seront mobilisés librement en fonction de la discipline de chacun (Homère, Montaigne, Pascal, etc.). En aucun cas il ne pourra être envisagé de retenir un programme de notions constitué de champs de problèmes, même si, évidemment, il sera toujours question d'apprendre à philosopher.

La SO.P.PHI a demandé que l’horaire dévolu à la philosophie au lycée soit de quatre heures hebdomadaires au moins pour tous dans la voie générale, alors même que beaucoup prédisaient que cet horaire ne serait que de deux heures. Elle a toujours gardé à l’esprit que cet horaire de quatre heures revient à accorder chaque année un temps supplémentaire consacré à la philosophie à près de 200 000 élèves qui sont actuellement en série scientifique ! Aujourd’hui, elle s’engage pour que les programmes de philosophie soient constitués de notions, et que soit écarté le leurre de la détermination que préconise franchement une association, tandis que l’autre y songe ouvertement mais, disons le, un peu honteusement.

La Société des Professeurs de Philosophie n’est pas impressionnée par ces associations qui présentent la réforme comme une catastrophe pour notre discipline. Comment le serait-elle ? Elles ont promu la modification difficilement défendable des épreuves dans la série STHR. Elles réclament une délimitation hasardeuse des programmes. Et elles tiennent pour indiscutable qu’un professeur de philosophie doit être plus à son aise dans un enseignement moral et civique que dans un cours touchant aux humanités.