L’académie de PlatonAu début des années 2000, les professeurs de philosophie, au terme d'un long combat d'idées, ont obtenu que les programmes qui déterminent leur enseignement soient constitués de notions, c'est-à-dire de champs de problèmes. Ce n'était pas gagné d'avance ! Certains souhaitaient introduire dans ces programmes des questions déterminées avec précision. Ils y voyaient le moyen de faciliter le travail des élèves. Ils oubliaient que ce n'est pas en renonçant à la philosophie que l'on peut rendre plus aisé son enseignement ! En rappelant que philosopher, c'est toujours affronter la résistance du réel, et, pour cette raison, poser et instruire un problème, les professeurs, dans leur immense majorité, ont manifesté leur attachement à une authentique pratique de la philosophie au lycée. Ils ont été entendus. La spécificité de leur discipline a été préservée. Ce point d'"histoire" permet de comprendre pourquoi, dans les programmes de philosophie des séries générales et technologiques, on peut encore lire : "L'enseignement de la philosophie en classes terminales a pour objectif de favoriser l'accès de chaque élève à l'exercice réfléchi du jugement, et de lui offrir une culture philosophique initiale." La chose semblait entendue. Pourtant, la SO.P.PHI alerte tous les professeurs de philosophie sur un grand danger qui pèse à nouveau sur leur métier.

Certains syndicats et associations ont demandé à être reçus par Monsieur le Doyen de l'Inspection Générale de Philosophie. L'objet de cette entrevue est alarmant. Le SNES et l'ACIREPH proposent une modification des épreuves de philosophie concernant la voie technologique. Que l'on ne se méprenne pas sur la position de la SO.P.PHI. Cette association réunit des enseignants qui connaissent parfaitement les difficultés rencontrées dans les classes technologiques. L'absence de maîtrise, par les élèves, des règles les plus élémentaires de l'écriture, les conditions de travail, aggravées par la perte du dédoublement d'une heure de cours, constituent, pour n'évoquer que ces deux points, de lourds handicaps. Il est donc légitime de s'interroger. La SO.P.PHI est prête à s'engager dans une réflexion portant sur les épreuves auxquels les élèves des séries technologiques doivent être préparés. Toutefois, que ceux qui prétendent défendre notre enseignement s'expriment avec clarté ! Qu'envisagent-ils au juste ? Nous le savons bien : certains ont déjà renoncé à la dissertation et au texte suivi de questions. Que veulent-ils mettre à la place ? Un exercice "encadré" ? Des questions de cours ? De quel cours ? Quoi d'autre ? On l'aura compris : que l'on abandonne la dissertation et l'explication de texte qui constituent les deux modalités d'épreuve invitant à poser un problème avant de l'instruire, et, aussitôt, volens nolens, on renonce à "l'exercice réfléchi du jugement" que les programmes, précisément, posent comme la finalité même de l'enseignement de la philosophie ! Comment la nature des programmes de notions ne s'en trouverait-elle pas profondément altérée ? Et pourquoi ce qui prévaudrait dans la voie technologique ne serait-il pas, demain, applicable aux autres séries ? Car enfin, n'y a-t-il pas également des élèves en grande difficulté dans certaines classes de la voie générale ? Ce qui est en jeu, c'est le socle de notre métier : l'exercice d'une véritable réflexion philosophique au cœur de l'école de la République.

Jean-Marie Frey, Président de la SO.P.PHI

(Publié le 12/02/2012)