Platon_Aristote.jpgLe jeudi 18 novembre 2010, à l’occasion de la cérémonie d'ouverture de la Journée mondiale de la philosophie à la Maison de l'Unesco, le ministre de l'Éducation nationale a présenté de nouvelles mesures pour développer l'enseignement de la philosophie, notamment l'expérimentation d'un enseignement anticipé de la philosophie dès la rentrée 2011. Quelle est la position de la SO.P.PHI ?

La SO.P.PHI a toujours été opposée à une initiation à la philosophie en classe de première. Dans L’enseignement Philosophique (mai-juin 2010), en qualité de président de notre association, j’ai écrit : « Nous devons résister à la tentation d’une initiation à la philosophie en première littéraire. Cette fausse solution réduirait notre horaire en terminale. Et puis elle conduirait à mettre en cause la nature de nos programmes. Faudrait-il déterminer un parcours sur deux ans ? Comment alors ne renoncerait-on pas aux notions ? Au reste, que signifierait une initiation à la philosophie, puisque notre enseignement en terminale possède déjà un caractère élémentaire ? » Le cœur de notre position réside en ce point : le programme de philosophie dans le Lycée français est constitué de notions, c’est-à-dire de champs de problèmes, et, pour cette raison, toute idée de « progressivité » sur plusieurs années exprime une méconnaissance profonde de l’essence même de notre métier. Cette position conduit la SO.P.PHI à accueillir favorablement les nouvelles mesures présentées par Luc Chatel.

D’abord, la SO.P.PHI constate que la place et la nature de l’enseignement de la philosophie en classe terminale ne sont pas remises en question. Le ministre de l’Éducation nationale réaffirme « l’importance et la richesse de cette formation dans les classes terminales de toutes les séries du lycée général et technologique, dans son statut et ses finalités, dans ses programmes et ses horaires ». La chose est claire : nos programmes ne seront pas dénaturés. Évidemment, cela constitue à nos yeux un point essentiel ! Luc Chatel évoque un travail portant sur « la précision de la langue », « le raisonnement et l’argumentation, à travers la lecture des grands textes d’idées » et « l’écriture de textes présentant une réflexion ordonnée ». Il annonce des interventions du professeur de philosophie dans le cadre de l’ECJS, de l’interdisciplinarité, de l’accompagnement personnalisé. Toutefois, il précise que « ce développement de la philosophie en seconde et en première ne se fera pas au détriment ni des programmes, ni des horaires de la classe de terminale. » En un mot, ce qui se dessine, ce n’est pas une initiation à la philosophie en classes de première et de seconde, mais bien une préparation des élèves au travail philosophique qu’ils auront à effectuer en classe terminale. La SO.P.PHI est en phase avec une telle orientation. Au fond, et dans les faits, cette pratique n’était-elle pas déjà autorisée par les textes ? Néanmoins, la SO.P.PHI tient à rappeler qu’un enseignement de la philosophie suppose au moins quatre heures de cours par semaine. Une préparation à cet enseignement ne saurait en aucun cas justifier la suppression de l’heure de dédoublement en série scientifique, heure bien souvent utilisée par les professeurs comme une heure de cours en classe entière ! Semblablement, la suppression de l'heure de dédoublement en séries technologiques ne va-t-elle pas à l'encontre des attendus de l'analyse de Luc Chatel ? Au lieu de développer notre enseignement, elle le restreint pour des élèves qui en ont autant besoin que leurs camarades de séries générales.

Le ministre de l’Éducation nationale évoque « un enseignement de préparation à la philosophie en première littéraire. » Toutefois, la présence du professeur de philosophie en amont de la classe terminale n’est pas réduite à la seule voie littéraire. Sur ce point, nous retrouvons notre préoccupation concernant la crise de cette voie dans nos Lycées. Tout changement qui tendrait à réduire la présence des professeurs de philosophie aux seules classes littéraires ne saurait corriger les problèmes d’orientation que nous constatons dans nos établissements. Nous le savons : les derniers latinistes et hellénistes, pour ne citer qu’eux, ont depuis longtemps choisi de s’orienter vers une terminale scientifique. Aussi, la SO.P.PHI continue de penser qu’une autre réforme est possible et souhaitable : un approfondissement offert aux élèves parvenus en classe terminale, et notamment aux élèves qui, en série scientifique, auront besoin de la philosophie dans le cadre de leurs études supérieures.

Dans son discours, le ministre de l’Éducation nationale met l’accent sur les initiatives locales. Cependant, il semble que la logique de la décentralisation soit limitée au moins sur un point : le rôle de l’inspection de philosophie. « Naturellement, déclare Luc Chatel, les corps d’inspection seront appelés à jouer pleinement leur rôle d’expertise, de conseil, d’accompagnement et d’évaluation de ces projets. » La SO.P.PHI est attachée à un enseignement de la philosophie strictement inscrit dans un cadre républicain. Les expériences pédagogiques ne sauraient être abandonnées purement et simplement à telle ou telle initiative locale. Pour cette raison, l’implication de l’inspection de philosophie nous semble précieuse.

Les débats que suscitent les modifications de l’exercice de notre métier démontrent l’importance de la place occupée par la philosophie dans le Lycée français. La SO.P.PHI veut que cette place soit préservée. Par conséquent, elle sera toujours favorable aux changements qui permettront de pérenniser un enseignement authentiquement philosophique au cœur de la République. Mais elle ne saurait accepter que les moyens de cet enseignement soient mis en œuvre au détriment de l’essentiel : un vrai travail philosophique en classe terminale.

Lien utile :

Journée Mondiale de la Philosophie

Jean-Marie Frey, Président de la SO.P.PHI

(Publié le 21/11/2010)